Une Poétique du Temps et de la Matière- boro japonais
Les Boro, ces textiles japonais dont le nom signifie “guenille”, incarnent un art de la réparation et de la persévérance. Créés entre le XVIIIe et le début du XXe siècle par les plus modestes des fermiers et pêcheurs du nord-est du Japon, les Boro sont des pièces assemblées et rapiécées sur plusieurs générations, où chaque point de couture raconte une histoire de survie et de respect de la matière. À l’époque, la société japonaise a parfois rejeté ces tissus, associant leur existence à un passé de pauvreté, et de nombreuses pièces ont été perdues ou détruites.
Aujourd’hui, ces textiles transcendent leurs humbles origines. Présentés dans des galeries, leurs nuances subtiles d’indigo captivent, rappelant les compositions abstraites des artistes occidentaux comme Robert Rauschenberg et Alberto Burri, qui ont exploré la beauté des matériaux récupérés et abîmés. Ce dialogue entre le temps, les couches de tissu, et l’usure évoque un art de la mémoire, où la matière devient un témoin vivant de l’histoire.
Fascinant est le parallèle avec les tissus indigo des Dogon d’Afrique de l’Ouest. Chez ce peuple, l’indigo symbolise le cosmos, la nature, et le spirituel, chaque teinture capturant des récits et des croyances ancestrales. De même, l’art des Boro, enrichi de coutures sashiko, illustre une relation intime avec le tissu, où la couleur bleue devient un pont universel entre les cultures.
Ainsi, qu’il s’agisse des Boro japonais ou des textiles Dogon, l’indigo réunit deux traditions riches en symbolisme, unissant les histoires de peuples différents mais connectés par une même profondeur culturelle et une sensibilité artistique marquée par la transformation et la résilience.
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